Handicap et Discrimination

Quels sont les moyens de preuve dont dispose la personne handicapée qui a fait l’objet d’une discrimination à l’entrée d’un lieu privé ouvert au public (ex : la Discothèque)

Nombreuses sont les personnes handicapées qui se voient opposer un refus à l’entrée des discothèques sous le prétexte, malheureusement trop souvent fallacieux, de règles de sécurité ne permettant pas l’accès aux personnes dont la mobilité est réduite.

Il n’est pas excessif, bien souvent, de penser est un acte purement discriminatoire à peine voilée en direction des handicapés.

La difficulté que ces derniers doivent surmonter réside dans la démonstration juridique de la discrimination.

La matière est particulièrement délicate car il est éminemment difficile de distinguer la déclaration de bonne foi du gérant de l’établissement de l’acte délibérément discriminatoire.

Dans pareille hypothèse, la victime a le choix entre deux procédures : la procédure civile et ou pénale.


1/ L’administration de la preuve en matière pénale

Compte tenu de la difficulté d’administrer la preuve, il est souvent préférable de saisir le Procureur de la République ou encore le Doyen des Juges d’Instruction à l’aide d’une plainte circonstanciée et soutenue, autant que faire ce peu, par une ou deux attestations corroborant vos déclarations.

L’intérêt de la procédure pénale tient au fait que la preuve de l’acte discriminatoire sera pris en charge par le Juge d’instruction qui pour ce faire disposera de tout un arsenal de mesures d’instruction tels que : l’audition des parties en la procédure, la confrontation, l’expertise ou la constatation des lieux, nécessaire à la manifestation de la vérité.

Cet ensemble de mesures permettra au juge pénal d’établir la réalité des règles de sécurité invoquées et finalement de se forger une intime conviction qui lui permettra de sanctionner ou non le gérant de la discothèque en cause.

L’inconvénient de cette procédure, tient au fait qu’il faille bien souvent déposer une consignation financière relativement élevée. Ce frein financier étant destiné à permettre au juge de prononcer une amende civile à l’encontre du plaignant si la requête lui paraît abusive.


2/ L’administration de la preuve devant le Juge Civil


Les règles de procédure civile sont pour ce type de délit civil très contraignantes dans la mesure où la procédure est contradictoire et les preuves administrées par les parties elles mêmes et en particulier par celle qui sollicite le juge.

En effet, en vertu de l’article 6 du Nouveau Code de Procédure Civile : « A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propre à les fonder ».

Par ailleurs, l’article 9 du même code dispose le principe suivant « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Dans l’hypothèse qui nous intéresse, il appartiendra à la personne handicapée de prouver par tous moyens la réalité de ses prétentions à savoir l’acte discriminatoire dont il a fait l’objet à l’entrée d’un établissement.

Quels sont ces moyens :

Il s’agit tout d’abord de l’attestation (articles 200 et s. du NCPC) qui peut être produite par les parties ou à la demande du Juge.

L’attestation doit contenir la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.

L’auteur d’une attestation doit être capable juridiquement c’est à dire ne pas être mineur, sous le régime de la protection des majeurs (ex : Tutelle) ou encore frappé d’interdiction judiciaire de témoigner.

Concernant les mentions qui doivent obligatoirement figurer, l’article 202 du NCPC donne des précisions « L'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature ».

Il est utile de noter que le juge peut toujours procéder à l’audition de l’auteur d’une attestation.

Le second mode de preuve dont dispose la victime d’une discrimination est le constat d’huissier. En effet, il peut être utile de se faire accompagner sur les lieux où l’on sait qu’il est d’usage de laisser à la porte des handicapés accompagné ave un huissier.

Celui-ci pourra alors dresser un procès verbal de constat qui fera l’objet d’une production devant le Juge civil.

Bien que la tentation puisse être grande la preuve par bande sonore ou audiovisuelle est en droit français parfaitement inopérante et sera de ce fait immédiatement écartée des débats par le magistrat.

Bien que la preuve soit à la charge du demandeur, il est prévu à l’article 10 du NCPC le fait que le juge « peut ordonner d’office toutes mesures d’instruction légalement admissibles »

En effet, l’article 144 du NCPC dispose que « les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer ».

En quoi consiste les mesures d’instruction du juge civil :

Enquête réalisée le plus souvent par un huissier.
Audition d’un témoin
Désignation d’un technicien soit un expert ou un consultant (qui pourrait vérifier les lieux et notamment les règles de sécurité qui rendraient impossible l’accès à un handicapé)
Le serment judiciaire qui ne peut être prêté que par les parties au procès.
La comparution personnelle des parties.


Si la démonstration de l’acte discriminatoire est délicat à établir, il n’en reste pas moins vrai qu’un vaste panel de mesures d’instruction est à la disposition du justiciable ou encore à la disposition du juge qui, s’il ne décide pas de les ordonner d’office, peut le décider à la demande d’une des parties.

Néanmoins, le pouvoir du Juge en la matière est souverain et ne peut en aucune manière être sollicités dans l’hypothèse où la victime d’un acte de discrimination serait dans l’incapacité de produire le moindre élément de preuve à l’appui de sa demande.

Pour s’en convaincre il est important de se référer à l’article 146 du NCPC selon lequel :

« …En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve ».

© Jean-Charles SCOTTI

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