LA RESPONSABILITE DU PHARMACIEN

I RESPONSABILITE DU PHARMACIEN FABRICANT

Selon l’article L 596 du Code de la Santé Publique , tout établissement pharmaceutique doit être la propriété d’un pharmacien ou d’une société à la gérance ou à la direction générale de laquelle participe un pharmacien .

Ce pharmacien est dénommé pharmacien responsable et est personnellement responsable de l’application des dispositions légales et réglementaires . La présence d’un pharmacien délégué est également obligatoire.

L’article L 596 établit une responsabilité solidaire entre le pharmacien responsable et l’établissement pharmaceutique.

A la qualité de fabricant de produits pharmaceutiques tout pharmacien ou toute société pharmaceutique en vue de la vente, à la préparation totale ou partielle des médicaments, produits et objets définis aux articles L.511 et L.512.


A – Nature de la responsabilité civile :

1- Responsabilité délictuelle :

C’est le régime généralement retenu par les juges du fond, faute de contrat liant l’utilisateur au pharmacien fabricant.

Le premier arrêt de la Cour d’APPEL est celui rendu par la CA de PARIS du 04 Juillet 1970 (Affaire du Dig Bill) qui écarte la responsabilité contractuelle en relevant l’absence de contrat entre fabricant et consommateur :

«  … articles qu’ainsi donc la loi, si elle impose au fabricant une prudence exceptionnelle lors de l’élaboration de ses produits ne met cependant pas à sa charge l’obligation de prévoir tous les risques présentés par le médicament dans tous les cas et ne le rend pas responsable du seul fait de la réalisation d’un de ces risques ;
Considérant dés lors, que le seul terrain sur lequel peut être recherchée la responsabilité éventuelle des laboratoires est celui des 1382 et 1383 du Code Civil … »


Le principe de la responsabilité délictuelle a été réaffirmé par de nombreuses décisions des juges du fond.

IL faut noter que la responsabilité du fait des choses a été clairement écartée par la Cour de Cassation dans une espèce où l’utilisateur avait été blessé par l’éclatement d’une ampoule qui lui avait été remise par le médecin.
La décision ayant admis le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du C.Civil pour retenir la responsabilité du fabricant fut cassée par la Cour de Cassation ( Cass.2ème civ. 30 Juin 1976) au motif que la boîte ayant été remise au médecin 12 ans auparavant , le fabricant n’avait plus les pouvoirs caractérisant la garde d’autant que la notice mettait en garde contre une altération possible du produit et que le médecin avait commis une faute en n’ouvrant pas la boîte avant de la remettre .

Cependant encore aujourd’hui des décisions isolées retiennent la responsabilité sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1.


2- Responsabilité contractuelle :

La responsabilité contractuelle a parfois été retenue par les juges du fond .

Par une importante décision en date du 14 Février 1979, la Cour d’Appel de ROUEN a reconnu l’existence d’un contrat spécifique, dans une affaire où une personne s’était trouvée atteinte d’une quasi-cécité à la suite de l’absorption, de manière trop prolongée et trop importante, d’un médicament qui lui avait été prescrit pour dépression nerveuse

« .. attendu que le laboratoire de produits pharmaceutiques a comme fonction, après avoir mis au point, préparé et fabriqué un médicament, de le procurer, notamment par sa mise en vente, à un malade utilisateur, le plus souvent sans prescription d’un médecin et après l’intervention de plusieurs intermédiaires dont en dernier lieu un pharmacien d’officine ;
Que malgré son particularisme, cette opération peut s’analyser en la mise à la disposition par le laboratoire d’un produit à l’utilisateur , dans un but thérapeutique et généralement moyennant le paiement par ce dernier du prix du produit ;
Attendu qu’il se forme ainsi implicitement mais nécessairement, et malgré l’intervention d’intermédiaires, entre le pharmacien fabriquant et l’utilisateur du médicament un véritable contrat spécifique analogue à celui existant entre le médecin et son malade …  »



La théorie des vices cachés a été appliqué à plusieurs reprises toutefois, ce recours à la garantie des vices cachés a parfois été critiqué en ce que la réparation de préjudice subi n’est qu’une sanction dérivée prévue par un régime destiné à obtenir la résolution du contrat ou la réduction du prix.

Plus récemment c’est sur le fondement contractuel de droit commun que les tribunaux ont retenu la responsabilité du laboratoire fabricant.

Dans le domaine particulier des médicaments l’obligation de sécurité a été qualifiée d’obligation de résultat par la Cour suprême dans un important arrêt en date du 03 Mars 1998, dans une affaire concernant un médicament enrobé d’une enveloppe non digestible.

«  … le fabricant est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à causer un danger pour les personnes ou les biens, c’est à dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.
Que le préjudice subi par M.SCOVAZZO est imputable aux caractéristiques mêmes de l’enveloppe non digestible du comprimé, qui stagnant dans l’intestin de la victime a provoqué l’inflammation et ses suites …  » 


Quelques décisions rendues depuis l’arrêt précité retiennent cette obligation de sécurité-résultat.


B – Typologie des fautes :

L’examen des types de fautes retenues contre le fabricant implique de préciser au préalable qu’il est nécessaire de prouver une faute du fabricant réserve faite de l’hypothèse de l’obligation de sécurité-résultat retenue à propos de l’enveloppe d’un médicament.

La faute commise par le fabricant peut relever de la conception de la formule, de la fabrication ou de l’information donnée à l’utilisateur.


1- Fautes dans la conception de la formule :

Le pharmacien fabricant est fautif s’il commet une erreur   soit dans l’estimation des qualités intrinsèques du médicament, soit dans la détermination des techniques utilisées pour sa préparation, son contrôle et sa conservation.

Le pharmacien doit respecter une prudence exceptionnelle dans l’élaboration de ses produits.


2- Fautes dans la fabrication :

Le pharmacien doit garantir la conformité du produit mis en vente à la formule sur la base de laquelle l’autorisation de mise sur le marché a été accordée.

Il doit préalablement à toute fabrication vérifier la composition des produits livrés ; il doit contrôler le produit fini et sa conformité avec la formule.

En outre, le pharmacien doit effectuer des essais approfondis avant la mise en vente et doit veiller à ce que la fabrication des produits ne soit pas défectueuse.


3- Fautes dans l’information :

Le pharmacien doit respecter certaines obligations en matière d’information des utilisateurs du médicament.

L’information doit viser en particulier :

La posologie
Le mode d’emploi
Les effets secondaires du médicament afin d’éviter une erreur du malade.

Le fabricant commet une faute s’il n’informe pas de la possibilité d’effets secondaires néfastes du médicament. Il commet une faute s’il ne mentionne pas les effets secondaires d’un médicament alors que ceux-ci sont connus, ou ne met pas suffisamment .
Le fabricant est également responsable s’il ne met pas suffisamment en garde l’utilisateur sur les précautions d’emploi, la posologie. Ainsi la mention «  à prendre au milieu des repas » n’attire pas suffisamment l’attention sur les risques liés à l’absorption en dehors des repas.

Dans le cadre de l’obligation d’information qui pèse sur le fabricant, celui-ci est tenu d’attirer l’attention du médecin et du malade contre les dangers éventuels décelés en l’état des connaissances de la science.

L’obligation de renseignement a cependant pour limite ce qui est connu au moment de la mise du médicament sur le marché et qui fait partie de l’état des données de la science, comme la Cour de Cassation dans l’affaire THORENS en date du 8 Avril 1986 (1èreciv.) l’a expressément rappelé

« … l’obligation de renseignement relative aux contre indications et effets secondaires ne peut s’appliquer qu’à ce qui est connu au moment de l’introduction du médicament sur le marché et à ce qui a été porté à la connaissance des laboratoires depuis cette date … »


C – Exonération de responsabilité :

Le pharmacien fabricant peut tenter de s’exonérer en invoquant :

une cause étrangère
la force majeure
le fait d’un tiers
la faute de la victime

IL s’agit surtout d’un problème de causalité, et dés lors d’imputation

* Dans le cas des effets secondaires liés à la structure même du médicament, le caractère extérieur fait défaut :

Exemple : affaire du Kaléroid ( CA VERSAILLES 25.06.1996) dans laquelle les prédispositions du malade ont été appréciées de façon rigoureuse comme étant prévisibles et ne pouvant donc constituer une cause exonératoire.

* Dans le cas des effets secondaires dont la nocivité est connue mais en quelque sorte inévitable du fait du caractère unique du médicament pour le traitement d’une affection particulière :

Exemple : Cour de Cassation (1ère civ. 8 .10.1980) a approuvé l’exonération du fabricant qui n’avait par ailleurs aucunement manqué à son obligation d’information en retenant « qu’à l’époque des faits le CONTRIX 28 était le seul produit commercialisé permettant de mettre en évidence une hernie discale et de la situer, que les dangers de ce produit étaient signalés et ses méthodes d’utilisation précisées ».
Plus fréquemment le fabricant peut être tenté d’invoquer une faute commise par l’utilisateur, parce que celui-ci n’aurait pas respecté la posologie ou aurait abusé du médicament. IL semble que la responsabilité du fabricant ne puisse cependant être écartée que si la faute de la victime était imprévisible et insurmontable.

Le fabricant ne saurait s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il avait obtenu les autorisations administratives nécessaires. Les tribunaux rappellent régulièrement que l’obtention du visa ne dégage pas le pharmacien de sa responsabilité à l’égard des tiers.


D – Partage de responsabilité :

La responsabilité du pharmacien fabricant peut coexister avec la responsabilité :

de la victime
du médecin prescripteur
du pharmacien d’officine

Elle peut également coexister avec celle d’autres intervenants directement impliqués dans la mise sur le marché des médicaments :

L’Etat : il joue un rôle déterminant dans le domaine pharmaceutique par son pouvoir d’autorisation ou de refus de mise sur le marché d’un médicament. Seule la victime peut mettre en œuvre la responsabilité de l’Etat, à l’exclusion des fabricants , et la faute lourde doit être prouvée.

Le responsable de la mise sur le marché est le titulaire de l’AMM, qui peut être distinct du fabricant , même s’il a par ailleurs cette qualité. La victime peut agir indifféremment contre le fabricant ou le titulaire de l’AMM, ou agir contre les deux simultanément.

Le façonnier est l’établissement de préparation et vente en gros qui intervient pour le compte du fabricant titulaire de l’AMM (jurisprudence quasi absente en la matière).

Le grossiste-répartiteur est un établissement pharmaceutique se livrant à l’achat en vue de la vente en l’état aux pharmaciens des médicaments et produits. Ses obligations concernent la surveillance et la rotation des stocks, la bonne conservation des médicaments , l’élimination des produits périmés. Sur ces différents points, sa responsabilité pourrait être engagée en cas de faute de sa part.


E - Obligation de sécurité :

La directive européenne sur les produits défectueux est enfin incorporée en droit français depuis une loi du 19 Mai 1998 qui insère après l’article 1386 du Code Civil les articles 1386-1 à 1386-18 Nouveaux.

La transposition très récente en France de la Directive du 25 Juillet 1985, mettant en place un système de responsabilité objective du fabricant pour dommages causés par un produit défectueux, abolit la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle.

L’article 1386-4 reproduit les dispositions de l’article 6 de la Directive pour définir le défaut :

«  Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.  »

En application du nouvel article 1386-13 du Code Civil, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable. Cependant,« la responsabilité du producteur envers la victime n’est pas réduite par le fait d’un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage » (article 1384-14 C.CIVIL).

La cause étrangère n’est pas mentionnée ni dans la directive, ni dans la loi du 19 Mai 1998, mais il semble que la Cour de Cassation dans le cadre de l’obligation de sécurité qu’elle a consacré, retienne la possibilité pour le défendeur d’établir une cause étrangère exonératoire de sa responsabilité.

Le législateur français a prévu deux limites importantes sur l’exonération :

- le dommage « causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci » (article 1386-11 alinéa 1 C.Civil)

- le cas où en présence d’un défaut s’étant révélé dans un délai de 10 ans après la mise en circulation du produit, le producteur n’a «  pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables » (Article 1386-11 alinéa 2 du Code Civil)

Il faut signaler que deux délais sont prévus par la loi de 1998 :

L’action est prescrite dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité  du producteur (article 1386-17 C.Civil)
La responsabilité du producteur est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit ( article 1386-16 C Civil)


II RESPONSABILITE DU PHARMACIEN D’OFFICINE

La dispensation des médicaments est strictement réglementée, et le pharmacien d’officine doit remplir certaines conditions (avoir le titre de pharmacien –être propriétaire de son office).

Le pharmacien d’officine peut encourir des sanctions disciplinaires lorsqu’il est déclaré coupable de manquements à son devoir de prudence.


A – Responsabilité contractuelle :

La responsabilité du pharmacien d’officine a d’abord été considérée comme étant de nature délictuelle et quasi-délictuelle.

Il est désormais admis que, comme celle du médecin, la responsabilité du pharmacien d’officine soit de nature contractuelle dans la mesure où les relations pharmacien-client s’inscrivent dans le cadre juridique d’un contrat.

Le patient doit donc établir une faute à l’encontre du pharmacien.


B – Domaines des fautes :

Le rôle du pharmacien d’officine est d’assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament, associant à sa délivrance :

l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe.
la préparation éventuelle des doses à administrer
la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament

L’article L.511-1 du Code de la Santé Publique précise les distinctions entre notamment :

la préparation magistrale : tout médicament préparé extemporanément en pharmacie selon une prescription destinée à un malade particulier.
la préparation officinale : tout médicament préparé en pharmacie selon les indications de la pharmacopée et destiné à être dispensé directement aux patients approvisionnés par cette pharmacie.
la spécialité pharmaceutique : tout médicament préparé à l’avance , présenté sous conditionnement particulier et caractérisé par une dénomination spéciale, catégorie maintenant la plus répandue.
le produit officinal divisé : toute drogue simple, tout produit chimique ou toute préparation stable décrite par la pharmacopée, préparés à l’avance par un établissement pharmaceutique et divisés, soit par lui, soit par la pharmacie d’officine.


1 – Fautes inhérentes à la qualité du produit vendu :

Le pharmacien doit garantir que le produit vendu correspond au produit prescrit, ce qui implique qu’il soit certain que le produit livré est bien celui qui lui a été demandé.

Le pharmacien doit vérifier les produits qui lui sont livrés afin qu’il n’y ait pas ensuite de confusion dans les produits vendus.

Lorsque le pharmacien délivre un médicament magistral, il sera tenu responsable des accidents résultant de ses fautes dans la nature, la qualité et le dosage du médicament délivré.
En revanche, le pharmacien d’officine n’est pas responsable du contenu des spécialités pharmaceutiques, vendues normalement sous leur conditionnement d’origine, conformément à leur définition « … présenté sous un conditionnement particulier… ».


2- Fautes dans l’exécution des prescriptions :

Le pharmacien doit exécuter fidèlement les prescriptions médicales.

Aux termes de l’article R.5015-61 du Code de déontologie pharmaceutique : «  le pharmacien ne peut modifier une prescription qu’avec l’accord exprès préalable de son auteur, sauf cas d’urgence et dans l’intérêt du patient ».

Ainsi, si le pharmacien décèle une anomalie ou une erreur sur l’ordonnance, il ne peut la rectifier de lui-même, sans prendre contact avec le prescripteur. A défaut de pouvoir prévenir le médecin, le pharmacien doit refuser de délivrer le médicament, en avisant son client du risque.

Le pharmacien doit délivrer le médicament prescrit.

Quelques erreurs commises par des pharmaciens quant à l’identité de la spécialité pharmaceutiques :

Exemples :
- délivrance de sérum hypertonique au lieu de sérum physiologique
- délivrance de Butazolidine au lieu de Bristacycline

Le pharmacien commet une faute s’il ne respecte pas la posologie prescrite :

Exemples :
- délivrance pour un enfant d’Aspegic 1000 au lieu de 100

S’il commet une erreur dans la délivrance d’un médicament, le pharmacien doit avertir immédiatement le médecin dés qu’il s’aperçoit de l’erreur, afin que soient prescrits les soins nécessaires.

Le refus de délivrance d’un médicament est donc justifié si l’ordonnance est mal rédigée, si la demande présente un caractère anormal ou si le pharmacien a un doute sur la régularité de l’ordonnance.

En revanche, en dehors des cas précités, le pharmacien ne peut refuser d’exécuter des prescriptions pour des convictions personnelles, l’amenant par exemple à refuser de délivrer des produits abortifs ou contraceptifs.

En effet, le pharmacien ne jouit pas d’une « clause de conscience » à l’instar de celle reconnue expressément aux médecins.


3 – Fautes dans le contrôle des prescriptions :

Le rôle du pharmacien consiste tout d’abord en un contrôle formel de l’ordonnance.

Le pharmacien doit exiger la présentation de l’ordonnance originale, et s’assurer de son authenticité en vérifiant le cas échéant le prescripteur.

Il doit vérifier que l’ordonnance est datée, signée, qu’elle est valable en particulier au regard de sa date d’établissement et de la durée de prescription des médicaments.

Mais le pharmacien d’officine doit également contrôler techniquement la prescription, en procédant à l’ « analyse pharmaceutique de l’ordonnance ». Il a l’obligation de déceler l’imperfection de la prescription et l ‘éventuelle erreur commise par le prescripteur.

A défaut, il commet lui-même une erreur en exécutant l’ordonnance telle quelle.

Cependant, il ne peut modifier l’ordonnance de lui-même sans contacter au préalable le prescripteur, ce qui découle de son obligation d’exécuter la prescription.

Le pharmacien a la compétence technique lui permettant de relever une anomalie compte tenu du dosage ou du contexte thérapeutique de l’ordonnance. Un pharmacien a ainsi été tenu pour responsable d’avoir délivré la spécialité « Indocid » inscrite sur l’ordonnance alors que le médecin voulait prescrire de l’Indusil.

Le pharmacien doit vérifier la posologie qui est en principe mentionnée sur la prescription.

Les tableaux de posologie de la pharmacopée sont impératifs pour le pharmacien , mais seulement indicatifs pour le médecin, lequel peut dépasser la dose maximum indiquée dans ces tableaux.

Le pharmacien ne peut délivrer de quantités égales ou supérieures aux doses maximales prévues pour un médicament en l’absence de mention expresse du médecin.

L‘incompatibilité connue entre deux médicaments doit être relevée par le pharmacien, qui doit alors attirer l’attention du médecin et du patient. Le pharmacien qui omet de mettre en garde son client sur le danger de la prise simultanée de deux médicaments commet un manquement à son obligation de moyens et à son devoir de conseils.

Le droit de contrôle du pharmacien et la responsabilité qu’il encourt ont pour corollaire le droit de refuser de délivrer le médicament dans certains cas :

Le refus fondé sur la loi et les règlements : le pharmacien d’officine doit refuser d’exécuter une prescription interdite, le prescripteur ne saurait imposer au pharmacien la commission d’une infraction.
Le refus fondé sur le caractère dangereux de le prescription : au plan disciplinaire et pénal, le pharmacien encourt une responsabilité s’il exécute une prescription qu’il estime dangereuse pour le patient.

Le Code de la Santé publique prévoit (Article R.5015-60) que : «  lorsque l’intérêt de la santé du patient paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament . Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance ».


4 – Fautes dans l’octroi de conseils :

Le pharmacien a un rôle important dans la délivrance de médicaments. IL doit compléter les indications de l’ordonnance , indiquer au patient la meilleure manière d’absorber le médicament.

Ce devoir de conseil est précisé par l’article R.5015-48 du Code de la santé publique aux termes duquel le pharmacien doit associer à la délivrance de médicaments : « la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage des médicaments »

Ce devoir de conseil trouve cependant sa limite en ce que le pharmacien ne doit pas formuler le diagnostic : « le pharmacien doit s’abstenir de formuler un diagnostic sur la maladie au traitement de laquelle il est appeler à collaborer » (Article R.5013-63)

Le rôle de conseiller du pharmacien d’officine est accru s’agissant de médicaments vendus sans ordonnance, et en particulier lorsqu’il s’agit d’automédication. Le Code de la santé publique prévoit en effet que la pharmacien « a un devoir particulier de conseil lorsqu’il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas une prescription médicale » (Article R.5015-48).

Cependant, le pharmacien ne doit pas tomber dans l’excès et se rendre coupable d’exercice illégal de la médecine. Il doit inciter son client à consulter un médecin si cela lui paraît nécessaire.( Article R.5015-62).


C – Exonération de responsabilité :

Le pharmacien d’officine n’est pas responsable du préjudice entraîné par la délivrance de médicaments lorsque la faute est imputable à un autre que lui-même .

Le médecin prescripteur peut être déclaré seul responsable du dommage si le pharmacien l’avait averti du caractère anormal d’une prescription et que le médecin lui a confirmé sa prescription.


D – Partage de responsabilité : 

Le pharmacien peut voir sa responsabilité retenue avec celle du médecin prescripteur qui aurait lui-même commis une faute , en particulier dans la rédaction de l’ordonnance.

Exemple : le médecin qui prescrit deux médicaments sans attirer l’attention du patient sur l’ordonnance quant à la nécessité de ne pas absorber en même temps les deux médicaments est retenu solidairement responsable avec le pharmacien, qui n’a pas non plus attiré l’attention de son client sur cette contrainte (CA de ROUEN 15.07.1993 : responsabilité pour moitié chacun)

Le pharmacien d’officine peut voir sa responsabilité partagée avec un autre professionnel de la santé, tel une infirmière..

La responsabilité du pharmacien peut être atténuée si la victime a commis une faute :

Exemple : le client ne s’est pas conformé aux prescriptions impératives mentionnées par les étiquettes

Naturellement, la responsabilité du pharmacien ne peut être atténuée pour manquement à son obligation de contrôle, au motif qu’il aurait été induit en erreur par le client.


E – Responsabilité du fait des préposés :

Conformément à l’article 1384aliné 5 du Code Civil, le pharmacien titulaire est responsable des fautes commises par ses préposés ,et tenu de réparer les conséquences de ces fautes



III – RESPONSABILITE DES DIRECTEURS DE LABORATOIRES D’ANALYSES MEDICALES :

A – Responsabilité contractuelle :

Le laboratoire d ‘analyses médicales est lié au malade par un contrat, ce qui implique une responsabilité contractuelle.

Lorsqu ‘un laboratoire transmet un prélèvement à un autre laboratoire, dans le cadre d’un contrat de collaboration, c’est celui qui a effectué le prélèvement, lié ainsi contractuellement à son client, qui est responsable à l’égard de celui-ci.


1 – Obligation de résultat :

L’exécution d’analyses est fondée sur des techniques scientifiques, donc on considère que le contrat d’exécution d’analyses médicales, comporte une obligation de résultats.

Le biologiste voit sa responsabilité engagée dés que l’inexactitude de l’analyse est constatée.

Le laboratoire qui effectue une analyse s’engage à fournir un résultat directement utilisable considéré comme une certitude dans les limites de précision habituelles des méthodes utilisées.

L’obligation de résultat est donc retenue par les juges du fond.

Exemple : CA de TOULOUSE du 14.12.1959 : « attendu que toutes les fois que l’activité professionnelle du médecin se cantonne à des travaux de laboratoire ne comportant, en l’état des données acquises de la science, aucun aléa, c’est, contrairement à l’opinion des premiers juges, par son résultat qu’elle se définit et qu’il y a lieu de l’apprécier, qu’il en va ainsi pour l’analyse sanguine où la détermination du groupe et du facteur rhésus s’effectue à coup sûr quand il est correctement procédé ; que l’acte médical se réduit alors à une recherche d’ordre technique , obéissant à des règles strictes et invariables qui doivent nécessairement aboutir à une exacte solution ».

Récemment la Cour de Cassation a retenu la responsabilité d’un laboratoire qui avait donné un résultat erroné de recherches d’anticorps antirubéoleux, laissant croire que la mère était immunisée contre la rubéole, alors qu’elle ne l’était pas et a mis au monde un enfant présentant de graves troubles neurologiques. ( Cass.1ère civ. 26.03.1996)


2 – Obligation de moyens :

La Cour suprême a approuvé une Cour d’Appel d ‘avoir relevé des erreurs grossières à la charge du laboratoire, et leur caractère fautif ( Cass.1ère civ.26.03.1996)

Pour certaines analyses difficiles, il est considéré que l’obligation du laboratoire est une obligation de moyens.

Le caractère de l’obligation dépend du caractère de l’analyse effectuée et de l’existence d’un aléa.

La faute du laboratoire est parfois reliée à une obligation d’information : « Toute personne s’adressant à un laboratoire d’analyses médicales est en droit d’attendre des résultats fiables à moins que le médecin n’ait attiré l’attention de l’intéressé sur le caractère incertain ou aléatoire du résultat de l’analyse demandée » ( TGI PERPIGNAN du 12.03.1990)

L’obligation de moyens est également retenue lorsque c’est une négligence du laboratoire qui est en cause, mais non le résultat d’une analyse.

Le laboratoire est en outre soumis à une obligation générale de prudence et de diligence, qui est une obligation de moyens.


B – Lien de causalité et préjudice :

Plusieurs décisions rendues récemment en matière de responsabilité de laboratoire d’analyses médicales présentent un grand intérêt quant à la nature du préjudice, et en particulier à la réparation des préjudices résultant de la naissance d’un enfant atteint de graves handicaps.

La Cour suprême a récemment marqué une étape décisive dans l’évolution de la jurisprudence en ce qui concerne ce type de préjudice en retenant le préjudice des parents ainsi que celui de l’enfant ( Arrêt Cas.1ère civ.26.03.1996) : «  Qu’en se déterminant ainsi , alors qu’il était constaté que les parents avaient marqué leur volonté, en cas de rubéole , de provoquer une interruption de grossesse et que les fautes commises les avaient faussement induits dans la croyance que la mère était immunisée, en sorte que ces fautes étaient génératrices du dommage subi par l ‘enfant du fait de la rubéole de sa mère, la Cour d’Appel a violé le texte susvisé ».

Certes, le handicap dont souffrait l’enfant ne résultait pas directement des fautes commises par le laboratoire et le médecin, mais il était établi que la décision de la femme de poursuivre sa grossesse était liée au diagnostic du médecin et donc aux résultats d ‘analyse, et en conséquence, sans les fautes commises par le médecin et le laboratoire, les séquelles de la rubéole auraient pu être évitées.


C – Exonération de responsabilité :

Dans le cas le plus général de l’obligation de résultat, le directeur du laboratoire ne pourra s’exonérer que s’il prouve la force majeure ou la faute commise par un tiers.

En outre, l’obligation de résultat de ce dernier ne s’étend pas à des activités que l’on peut situer en dehors du contrat. Ainsi le laboratoire ne peut être tenu responsable de la chute d’un client sortant du laboratoire, l’obligation de sécurité du laboratoire ayant pris fin.


D – Partage de responsabilité :

IL est fréquent qu’une erreur commise par le laboratoire ait concouru à la réalisation du dommage avec la faute d’un médecin ou un autre tiers.

Le laboratoire partage aussi sa responsabilité avec le médecin qui suit le malade et examine les résultats des analyses médicales. Les analyses médicales « ne sont qu’un élément , sans doute important, mais devant être rapproché de l’observation clinique et de l’expérience du médecin » ( CA AIX EN PROVENCE du 10.03.1994)

Le laboratoire qui commet des erreurs grossières et répétées voit sa responsabilité partagée avec le médecin qui manque de prudence et de diligences dans la conduite du traitement et la surveillance du malade et en particulier aurait du avoir l’attention attirée par la persistance d’un taux plasmatique faible et constant malgré l’augmentation régulière des doses de carbonate de lithium ( Cass.1ère civ.08.12.1987)

Le médecin sera reconnu responsable dans les cas où il n’aura pas détecté l’erreur du laboratoire alors que des signes cliniques et indices qui auraient du le conduire à relever l’erreur ( Cas.Civ.26.03.1996 : où le résultat positif du test de la rubéole contredisait les signes cliniques dont la mère était porteuse).

© Jean-Charles SCOTTI

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